Joker - Film 2019
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Critique (NO SPOILERS) Joker, la pop culture sur son 31 !

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25 octobre 2019

Dans les salles depuis le 9 Octobre, Joker, réalisé par Todd Philipps a fait beaucoup parler. Entre promotion XXL et polémiques américaines, on a tendance à oublier de dire ce qu’est vraiment Joker : L’histoire d’un homme plongeant dans la folie sur fond de crise sociale et surtout, une vraie réussite cinématographique.

Après l’échec critique et public de Justice League, tout le monde disait que l’univers DC chez Warner était fini au cinéma. Le rouleau compresseur Marvel avait gagné la guerre des films de super héros et les fans de DC comics ne ressentaient plus que tristesse et désespoir.

Mais en Août 2017, la Warner faisait une annonce des plus inattendues, la mise en chantier d’un film sur la genèse du plus célèbre des vilains de Comics : Le Joker. Réalisé par Todd « Very Bad Trip » Philipps, le film attira la curiosité, puis l’excitation à la nomination de Joaquin Phoenix dans le rôle-titre. Après son couronnement à la Mostra de Venise, où il a remporté le Lion d’or, l’excitation a laissé place à une véritable attente.

Autant vous dire que celle-ci a été récompensée. Joker est un vrai bonheur de cinéma qui s’émancipe de sa mythologie.

Todd « Scorcese Lumet » Philipps.

Le film de Todd Philipps met en scène Arthur Fleck (Joaquin Phoenix), un homme frêle et perdu dans un Gotham immensément crasse, ne rêvant que d’une chose : devenir un comédien de stand up pour se libérer de sa vie morbide et d’un rire maladif qui empêche toute vie sociale. En subissant violences, mépris et mensonges, il va surtout se libérer d’une folie endormie.

Pour montrer cette folie, le réalisateur a choisi une temporalité qui fait écho à des heures sombres des Etats-Unis : le début des années 80, synonyme de la fin du rêve américain. En choisissant cette toile de fond, le film résonne terriblement dans l’époque où il est réalisé : crise économique, opposition entre les riches et les pauvres et violence omniprésente.

C’est dans cette époque et ce Gotham délétère qu’est contée l’histoire de ce personnage d’une solitude profonde, toujours en décalage avec le monde, comme le montre sa maladresse à rire après les autres. Dans un monde aussi sombre, son éclosion aux yeux de tous ne pouvait se faire que par la pire des manières.

Todd Philipps a choisi un cadre et une réalisation noirs pour raconter son Joker. Le réalisme assumé à pour référence le Scorcese et le Lumet des années 70, où le cinéma américain était nerveux, intransigeant et obscur. De la même manière que le cinéma des années 70, le cinéaste prend son temps pour expliquer comment un homme s’enferme dans sa folie pour à la fin l’assumer et l’embrasser complétement.

La narration ne cède jamais à la facilité et souhaite que le spectateur fasse lui-même l’interprétation du spectacle qui s’offre à lui, comme la fin ouverte le suggère. La violence du film (car, oui, il y en a) n’est jamais gratuite, sert toujours l’histoire et ne cède pas, elle non plus, à la facilité. Elle est même indispensable pour expliquer cette folie qui s’empare d’un homme pour faire éclore un monstre.

Car c’est ce que raconte ce film : l’éclosion d’un homme qui assume sa vraie nature, comme un papillon sortant de son cocon.

« Et l’Oscar du meilleur acteur est attribué à… »

Pour montrer cette éclosion il fallait un acteur exceptionnel, capable de nuance et d’une palette de jeu incroyable. Joaquin Phoenix est cet acteur. Sa capacité à utiliser tout son corps pour expliquer sa métamorphose est éblouissante.

De l’Arthur frêle du début au Joker danseur d’escalier de la fin, tout est parfait dans son jeu. On commence à avoir de l’empathie pour cet homme triste, moqué pour son rire maladif. On s’inquiète, ensuite, de voir les prémices de sa folie et on finit terrifié par le Joker assumant sa condition et qui devient le symbole de cette folie générale en dansant.

Un grand rôle sans faire-valoir n’existe pas et Joker n’en est pas avare. Le premier, Robert de Niro, impeccable dans son rôle de présentateur vedette de late show. La scène de l’interview du joker n’aurait pas été aussi intense sans la présence d’un acteur aussi incroyable de Bob de Niro. Autre faire-valoir, la toujours parfaite Frances Conroy (Six Feet Under) jouant la mère d’Arthur. Elle est l’humanité d’Arthur mais aussi son crépuscule.  Seule ombre au tableau, la relation entre Arthur et sa voisine d’immeuble Sophie (Zazie Beetz), dont on devine assez vite le dénouement final.

Brad (Pitt) , désolé, mais ce n’est pas encore ton année pour l’Oscar même si tu le mérites pour Ad Astra.

Quand la Pop Culture fait réfléchir.

Todd Philipps l’a dit et redit, Joker n’est pas une adaptation de Comics. Ni même de The Killing Joke, souvent cité par les critiques comme référence du film. Et cela peut être le vrai problème du film pour certains spectateurs.

Si vous vous attendiez à la naissance du génie du mal de Gotham à la fin du film, vous allez être déçus.

Le réalisateur s’est accaparé un des plus grands symboles de la Pop Culture pour en faire un grand film sombre et exigeant. Même s’il reprend certains clins d’œil de la mythologie de Batman (le rire du Joker, la mort des parents de Bruce Wayne), c’est toujours pour les intégrer dans un récit réaliste et qui sert son histoire. D’ailleurs, on a beaucoup de mal à imaginer un homme qui se déguise en chauve-souris pour combattre le crime dans cet univers-là !

Pour certains puristes, ce film sera un sacrilège mais cela ne l’empêchera pas d’être ce qu’il est vraiment : un des plus grands films de cette année faisant entrer la Pop Culture dans la cour des grands.


Ecrit par Brice Degrange, Chevalier du Zodiaque pour le Club Arthur Dent

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